Remarques par Michel Barnier au point presse à l’issue du Conseil affaires générales (Article 50)

Merci, Ekaterina, et bonjour à chacune et chacun d’entre vous.

Comme nous le faisons régulièrement avec mon adjointe Sabine Weyand, j’ai participé à ce Conseil Affaires Générales et fait un point objectif de cette négociation, au moment où nous nous trouvons, c’est-à-dire à trois semaines et demi du Conseil européen.

Et à ce moment où “the clock is ticking“, je suis préoccupé de ce temps qui est désormais court entre maintenant et l’automne prochain. Puisque c’est à l’automne prochain, dans quelques mois, que nous devrons aboutir à un accord avec le Royaume-Uni, sur les conditions de son retrait ordonné de l’Union européenne, tel qu’il l’a voulu.

C’est pourquoi le Collège des Commissaires discutera demain d’un projet de texte pour cet accord de retrait.

Et je vous présenterai dans la foulée, si vous le voulez bien, ce projet de texte qui a vocation à être discuté avec les Etats membres et en lien étroit avec le Parlement européen.

Et ce n’est qu’après cette discussion à 27 et avec le Parlement européen que nous mettrons ce projet, je dis bien ce projet, sur la table des négociations avec le Royaume-Uni, le plus tôt possible.

Cela dit, pour continuer à avancer en toute transparence, nous allons publier, comme j’en ai pris l’habitude maintenant, ce projet. Et je pense que cette publication sera utile, non seulement pour vous, pour votre travail de journaliste, mais aussi pour que chacun prenne bien la mesure des sujets sur lesquels nous devons nous mettre d’accord. Je pense aussi que cette publication sera utile pour le débat public auquel je tiens beaucoup concernant tous les enjeux du Brexit.

Avant de nous retrouver demain à l’occasion de cette publication, je veux vous dire que ce projet de 120 pages et 168 articles ne contient pas de surprise :

  • Il traduira juridiquement nos engagements communs de décembre, ceux qui sont contenus dans notre Joint Report, sur les droits des citoyens, y compris les procédures qui doivent être simples pour les citoyens européens au Royaume-Uni, le règlement financier et évidemment sur l’Irlande, point important où demain nous allons traduire les engagements politiques pris avec le Royaume Uni dans un texte juridique.
  • Le texte que je présenterai demain contiendra aussi nos positions sur les autres sujets du retrait, des sujets sur lesquels il n’y a pas eu progrès depuis le mois de décembre et même sur lesquels il n’y a pas eu de négociations pour l’instant. Et cela me préoccupe. J’espère que sur la base d’un texte juridique, de ce projet de traité de retrait, nous pourrons plus facilement avancer.
  • Enfin, ce texte de demain, ce draft, contiendra notre texte sur la transition que vous connaissez puisqu’il a été publié il y a plusieurs semaines et qu’il a fait l’objet de plusieurs discussions avec les 27 Etats membres et avec le Parlement européen. Sur ce sujet, je veux dire, et je l’ai dit devant les Ministres, qu’il reste d’importantes divergences avec le Royaume-Uni, sur ce que nous entendons par transition, les conditions et la dimension de cette transition :

o   Sur la durée de la transition, nous avons proposé logiquement qu’elle se termine le 31 décembre 2020, en même temps que la période pluriannuelle budgétaire. Le Royaume-Uni souhaite nous semble-t-il, vouloir garder ouverte cette durée, ce qui n’est pas possible.

o   Il y aussi une divergence sur l’application dynamique de l’acquis. Pendant la transition, lorsque tout l’acquis sera maintenu – le marché unique, l’Union douanière, les politiques européennes – évidemment, tout le monde respectera les mêmes règles. Et nous ne pouvons pas accepter en ce qui nous concerne le risque de divergence réglementaire, pendant la durée de cette période.

o   Sur le traitement des droits des citoyens, là aussi il y a une divergence. Les Britanniques voudraient faire une différence entre les citoyens qui sont arrivés avant la date de retrait, c’est-à-dire avant le 29 mars 2019, et ceux qui arriveront après, c’est-à-dire pendant la période de transition ; or pendant cette période de transition, il est clair que la liberté de circulation des personnes sera maintenue et donc nous souhaitons que les citoyens arrivés avant et pendant la période de transition soient traités de la même manière, équitablement.

o   Il y a aussi une divergence sur la possibilité d’opt-in en matière de justice et d’affaires intérieures ;

o   Et sur les accords internationaux ;

o   Et sur la participation du Royaume-Uni aux comités d’experts ;

o   Et enfin, sur les mécanismes de consultation pendant la période de transition, par exemple concernant la pêche, ou la politique étrangère et de défense.

  • Cela fait beaucoup de divergences, à ce stade. Et compte-tenu de ces divergences, je reste pour ma part objectivement, et je le regrette d’ailleurs, sur l’évaluation que je vous ai dite il y a maintenant trois semaines. A ce stade, compte tenu de ces divergences, la transition n’est pas acquise.
  • Je suis d’ailleurs prêt à discuter rapidement de tous ces points de divergence avec David Davis. Il est essentiel que nous progressions, par une discussion politique, une négociation politique, au-delà de tout l’éclairage et de toute l’évaluation technique que nous faisons en ce moment, hier et aujourd’hui encore, avec les Britanniques.

Un mot enfin sur la future relation.

Depuis décembre, nous avons organisé avec le Conseil 12 séminaires de préparation interne avec les Etats membres. En parallèle, d’ailleurs, des réunions ont été tenues avec le Parlement européen, sur ces sujets comme l’aviation, la pêche, la sécurité, la défense et la politique étrangère.

Et ces séminaires sont extrêmement utiles pour nous, pour construire cette compréhension commune de tous les enjeux pour tous ces secteurs, en réaffirmant à chaque fois les principes, qui sont ceux de notre identité européenne, l’intégrité du marché intérieur, l’indivisibilité des quatre libertés, l’autonomie non négociable des 27. En demandant que l’on comprenne bien, que tout le monde comprenne bien, que ce sont selon ces principes, au nom desquels je négocie, en tenant compte aussi des lignes rouges que le Royaume-Uni a lui-même posées, que nous travaillerons le moment venu, le Conseil Européen dira dans quel cadre et avec quel mandat, sur la future relation.

Je tiens aussi à dire que nous travaillons sur ces sujets en totale confiance avec le Parlement européen que je veux remercier.

Voilà, merci.