"Les parlements, chevilles ouvrières de la stratégie de reprise et de transformation" – Discours du président Charles Michel lors de la Conférence interparlementaire

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Merci Monsieur le président Sassoli, merci monsieur le président Ferro Rodrigues, de me donner l’opportunité de prendre la parole.

Vous savez que je considère que le Parlement européen, comme d’ailleurs les 27 parlements nationaux, sont naturellement les cœurs battants du débat démocratique en Europe et sur le plan national. Merci de me donner cette opportunité de partager avec vous quelques réflexions sur l’avenir de ce projet européen qui nous rassemble, et sur quelques priorités qui nous tiennent à cœur au départ du Conseil européen.

Vous savez que 2020 et 2021, probablement, sont des années charnières pour le monde, des années charnières aussi pour le projet européen. Nous avons été frappés de manière brutale, douloureuse. Nous le sommes encore par cette pandémie qui met à l’épreuve un certain nombre de nos repères, et de nos certitudes. Mais cette pandémie a aussi un effet d’accélération des tendances qui existaient déjà avant le déclenchement de la pandémie. Dans la perspective européenne – et j’ai entendu Kristalina Georgieva le mentionner il y a quelques instants –  cette année 2020 a aussi été marquée par la capacité de se rassembler, avec les pays européens, leurs gouvernements ensemble avec nos partenaires institutionnels, le Parlement européen, la Commission européenne, pour affirmer une ambition en réaction à cette crise du COVID qui nous frappe.

Cette ambition, elle s’est traduite par la mobilisation de moyens financiers sans précédent dans la solidarité européenne. Plus de 1.800 milliards d’euros qui sont mobilisés et qui pourront être engagés durant les prochaines années pour soutenir la dynamique du marché intérieur et grâce à cela, pour soutenir la cohésion sociale sur le plan européen.

Cet engagement, il montre aussi que la bonne coopération institutionnelle démocratique est la clé pour faire avancer l’Europe dans le bon sens. Je veux dire que j’ai pu être un témoin privilégié de l’influence du Parlement européen dans la dynamique de nos débats au départ du Conseil. D’une part, sur le terrain de l’ambition en termes de moyens financiers. D’autre part, sur l’importance qui a été accordée à ce concept de ressources propres, qui est une réforme irréversible pour l’avenir du projet européen.

Dès lors qu’il s’agit d’investir ensemble après avoir emprunté ensemble, et de partager des priorités, vous avez compris que nous sommes toutes et tous rassemblés autour de deux piliers qui doivent être les moteurs pour cette relance post COVID. Ces deux piliers, c’est bien entendu notre ambition climatique, mais également notre ambition digitale. Et ces deux piliers sont extrêmement importants. Pourquoi? Parce que, de mon point de vue, ils montrent qu’il n’y a pas aujourd’hui un plan de relance “business as usual”. Il n’y pas un plan de relance comme on a connu dans le passé. Il y a en fait un véritable projet de changement de paradigme, un véritable projet de transformation du modèle économique et social sur le plan européen.

Il y avait aussi l’ambition, au départ de l’Union européenne, d’influencer de manière vertueuse l’ensemble du monde grâce à la capacité d’influence que représente le projet européen. Permettez-moi, sur cette question digitale et climatique, de faire un point et de prendre un peu de recul sur la manière dont les pays en Europe et ailleurs dans le monde se sont développés.

La prospérité, le développement, le progrès qui ont été enregistrés au cours des dernières années, se sont largement fondés sur une exploitation extrême des ressources naturelles. Avec les résultats que l’on connaît, et cette prise de conscience de plus en plus forte partout dans le monde, que ce modèle d’exploitation outrancière des ressources naturelles n’est pas un modèle tenable. On doit donc changer de paradigme. Nous voyons, et c’est le parallèle que je veux faire, que de plus en plus le développement de l’intelligence artificielle, le développement numérique, le développement des super-ordinateurs nous amènent à mesurer que la ressource numéro un pour le siècle dans lequel nous nous situons sera certainement la ressource liée aux données numériques, au Big Data.

Je voudrais profiter de cette tribune pour dire que nous devons éviter au sein de l’Union européenne de commettre, avec ces ressources numériques, les erreurs qui ont été commises pour les ressources exploitées de manière outrancière dans le domaine naturel. Les données digitales doivent être utilisées pour faire en sorte que l’on puisse faciliter les échanges, faciliter l’accès, faciliter l’innovation et le développement économique et la cohésion sociale qui peut en résulter. Mais en même temps, on doit veiller à ce que notre cadre démocratique, le cadre qui se fonde sur les libertés fondamentales, le droit à la vie privée, par exemple, soit préservé.

Je ne pense pas que des citoyens en Europe, ou peut-être même ailleurs dans le monde, vont tolérer durablement que les données et particulièrement leurs données personnelles puissent être utilisées de manière abusive sans respecter ce cadre démocratique, ce cadre des libertés personnelles. Et c’est la raison pour laquelle je pense que nous avons raison au départ de l’Union européenne, d’être engagés pour ce débat: pour faire en sorte que l’on puisse déployer cette ressource en veillant à cette préoccupation politique et démocratique qui doit être, à mon avis, centrale.

J’en viens maintenant, si vous le permettez, sur un autre point qui est important: dans les prochaines semaines, les Parlements nationaux et les gouvernements nationaux vont adresser leurs plans nationaux de relance et de résilience vers l’Union européenne. Il va être important de réussir cet acte d’investissement ensemble, de veiller à ce que chaque euro national et européen soit correctement investi pour avoir un effet bénéfique pour la relance, pour la transformation de notre modèle et pour amener de la cohésion sociale. Et je forme le vœu que les débats qui auront lieu dans les parlements nationaux, que ce soit en lien avec la ratification de la décision sur les ressources propres, ou en lien avec les plans nationaux et la cohérence du projet européen, soient des débats empreints de vitalité démocratique. Et qu’ils puissent rapprocher autant qu’il est possible, les 450 millions de citoyens partout en Europe avec les institutions démocratiques européennes.

Enfin, je voudrais terminer ces quelques réflexions en lançant un appel particulier à destination des responsables politiques sur le plan national, sur le plan local, sur le plan européen, en lien avec les jeunes générations. Celles que j’ai envie d’appeler la génération COVID, à savoir celles et ceux qui ont vingt ans ou autour de vingt ans en 2020 et 2021. Je veux dire à quel point nous mesurons, toutes et tous, que ces jeunes ont vu leur vie totalement chamboulée. Ce sont ces mêmes jeunes qui, pour beaucoup d’entre eux, se sont levés il y a quelque temps pour réveiller nos consciences climatiques et engager l’Europe sur cette ambition climatique de la transformation nécessaire.

Cette jeunesse qui est confinée, qui bien souvent doit suivre, quand c’est possible, des cours à distance, ou pour laquelle les formations en entreprise sont totalement chamboulées compte tenu des réalités sanitaires… Cette jeunesse, c’est pour elle que ce projet européen doit se construire jour après jour. Notre ambition climat à l’horizon 2050, le renforcement de nos objectifs à l’horizon 2030, la volonté de faire les choix judicieux en termes d’agenda digital. La volonté aussi de faire en sorte que ces transitions digitales et climatiques soient mobilisées avec un impact positif pour les jeunes. C’est vraiment une mobilisation de chaque instant que nous devons conserver.

Il y aura dans quelques mois à Porto, un rendez-vous important avec une mobilisation des forces sociales, des forces entrepreneuriales, des forces politiques autour des thèmes de la transition digitale, de la transition climatique. Je forme le vœu que, ensemble, on puisse utiliser ce moment de manière extrêmement concrète pour fixer des objectifs communs sur le plan national et sur le plan européen afin de donner de la perspective à ces jeunes. Cette perspective de pouvoir prendre en main leur destin, de pouvoir réaliser autant qu’il est possible leurs rêves. Ces jeunes qui représentent une force d’énergie, une force de talent, une force d’innovation, eh bien je forme le vœu qu’on ne perde pas de vue, à aucun moment, que chacune des décisions doit être tournée vers cette préoccupation de dessiner les contours d’un monde et d’une Europe plus vertueuse, plus verte, plus équitable, plus juste. C’est en tout cas l’ambition que je veux formuler cet après-midi en m’adressant au Parlement européen et aux Parlements nationaux. Merci pour cette tribune et cette occasion qui m’ont été offertes.

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