"Aux côtés du G5 Sahel, l'Union européenne tient ses engagements" – discours du Président Charles Michel au Sommet de Nouakchott
Seul le discours prononcé fait foi.
Je ne suis pas présent physiquement en ce moment à Nouakchott mais sachez que je suis de tout cœur avec vous.
Je veux naturellement commencer par vous remercier, amicalement et chaleureusement, cher Président en exercice du G5 Sahel, Mohamed Cheikh El Ghazouani. Je voudrais remercier également le Président de la France, cher Emmanuel Macron, pour m’associer à nouveau à ces échanges tellement essentiels. Je veux aussi saluer la participation des différents pays qui nous rejoignent. J’y vois le signe d’une dynamique qui est encourageante.
Le Sommet de Pau, en janvier dernier, a été l’occasion de donner un nouvel élan à nos relations. À nous de transformer l’essai, alors que la situation sur le terrain, nous le savons bien, reste difficile, reste préoccupante sur différents fronts. La violence a fauché quelque 4500 vies au Sahel ces 6 derniers mois. Et nous savons que la pandémie à laquelle nous faisons face ne facilite pas la situation.
Vous le savez, en janvier à Pau, nous avions convenu d’organiser un sommet G5 Sahel-UE. Il a eu lieu de manière virtuelle le 28 avril. Ce fut un prolongement de notre réunion de Pau. Ce Sommet virtuel du 28 avril a été un coup d’accélérateur pour notre partenariat. Il a été l’occasion de réaffirmer nos responsabilités réciproques. Il a été l’occasion de remobiliser l’ensemble des institutions européennes et des États membres de l’Union européenne. Il a en quelque sorte « européanisé » la Coalition pour le Sahel. Une étape additionnelle a été franchie avec la Conférence ministérielle du 12 juin qui a “internationalisé” cette Coalition, naturellement essentielle. Je salue bien sûr l’engagement de l’ONU, de l’Union africaine, de la CEDEAO, et de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Depuis le Sommet de Pau, nous avons engrangé des avancées précises, et très concrètes. Elles sont autant de témoignages de cet engagement que nous voulons renforcer à vos côtés:
– D’abord, de plus en plus d’États membres européens soit contribuent déjà, soit vont contribuer à Takuba, en déployant forces spéciales ou équipement, ou en soutenant politiquement cette task force;
– Ensuite, nous venons d’adopter un nouveau programme pour accompagner les efforts du Niger dans la lutte contre les réseaux criminels liés au terrorisme. Vous savez que nous nous sommes inspirés pour cela de l’excellent travail des Équipes Conjointes d’Investigation qui sont déjà mobilisées dans la lutte contre le trafic des migrants;
– La mission de formation de l’UE au Mali (EUTM Mali) a vu son mandat élargi et son budget renforcé. Au moment où je vous parle, 95% des effectifs sollicités ont déjà été mis à disposition par les 22 États membres sur 27 qui y participent. Dès que les conditions le permettront, nous déploierons l’ensemble des effectifs;
– Enfin, nous avons reconstruit le Poste de Commandement de la Force conjointe qui vient d’être inauguré à Bamako, deux ans après l’attaque qui avait détruit le QG de Sévaré;
– Par ailleurs, près de 200 millions d’euros de financement additionnel ont été annoncés pour renforcer la sécurité, la stabilité et la résilience de la région. Et des projets concrets sont prêts à être lancés;
– La même dynamique est à l’œuvre concernant le soutien au déploiement de l’État et des services de base. C’est la clé de voûte, nous le savons bien, pour nos efforts de stabilisation, avec l’initiative P3S[1]. L’Union européenne d’ailleurs en assurera la coordination;
– Vous savez aussi que nous travaillons à actualiser notre stratégie pour le Sahel, dans le dialogue et en tenant compte bien entendu de vos priorités;
– Un mot enfin, Monsieur le Président, vous l’avez évoqué et nous l’avons évoqué ensemble ces derniers mois, concernant les dettes. Vous savez que c’est une question qui me tient personnellement à cœur et pour laquelle je souhaite me mobiliser. Parce que je considère cette question légitime, certainement dans un moment où vos économies, vos sociétés, sont sous pression, a fortiori en lien avec cette crise du COVID-19 qui nous frappe et vous frappe.
J’entends bien l’appel que vous lancez sur le sujet de l’annulation de la dette. Vous savez que je me suis engagé à être sincèrement impliqué sur ce sujet, et j’entends effectivement ouvrir le débat. C’est fait, dans l’espace européen ce débat a maintenant démarré. Au sein de l’Union européenne, les ministres de la coopération internationale se sont saisis du sujet – un sujet important aussi pour les Chefs d’État et de gouvernement. J’entends aussi mener ce débat dans le cadre de nos contacts internationaux. J’ai ainsi eu l’occasion, dans les derniers sommets virtuels auxquels nous avons participé, avec le Japon, avec la Chine également il y a quelque jours, de mettre systématiquement ce point des dettes à l’ordre du jour. Parce que nous mesurons bien que c’est une question qui doit mobiliser toute la communauté internationale.
Je sais aussi que nous pouvons compter également sur l’Italie, qui assurera la présidence du G20 l’année prochaine, et qui aura, j’en suis sûr, un regard positif en particulier sur le moratoire sur la dette. C’est un travail de conviction à mener. Et c’est mon intention, modestement, mais en étant tenace, de prendre ma part au nom de l’Union européenne.
Enfin, très chers amis, vous savez que mon ambition, mon espoir, est de pouvoir organiser une rencontre entre les pays de l’Union européenne et le G5 Sahel afin de continuer à aborder l’ensemble des sujets.
Vous le voyez, l’engagement européen n’est pas une incantation artificielle: c’est une réalité avec des engagements et des effets concrets. Nous pouvons et nous devons bâtir ensemble un espace de sécurité et de prospérité économique. Nous devons bâtir un espace où la bonne gouvernance règne, et où règnent également l’État de droit, et les droits fondamentaux.
Et je voudrais dire que l’État de droit n’est pas une note de bas de page. La force et l’honneur d’un État de droit, c’est de ne pas tomber dans le piège de la violence que lui tendent ses ennemis. C’est de ne pas ressembler à ceux que nous combattons. C’est de faire prévaloir la justice – la même pour tous, la même pour tout le monde.
Un mot pour conclure. Nous avions convenu, lors de notre précédent sommet, de nous retrouver de nouveau, avec les leaders du G5 Sahel. Je suis certain qu’avec le Président Ghazouani, nous aurons l’occasion de travailler activement avec vous, avec l’ensemble de nos pairs, pour tenter de continuer à progresser ensemble.
Vous pouvez compter sur l’engagement de l’Union européenne. Nous sommes à vos côtés.
Je vous envoie de Bruxelles mes salutations sincères et amicales, à ceux qui sont présents physiquement à Nouakchott. Merci à vous.
[1] Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel