Intervention du président Charles Michel lors du sommet de financement des économies africaines à Paris
On fait face, en fait, au premier choc d’ampleur mondiale depuis le XXIe siècle, ce COVID-19 qui nous ébranle et qui nous bouscule partout dans le monde. Et c’est la raison pour laquelle, Monsieur le Président Macron, nous devons tous vous remercier pour cette initiative qui intervient à un moment particulièrement bien choisi, parce que c’est le moment ou jamais de se retrouver, de se regarder les yeux dans les yeux et de voir de quelle manière on peut aller ensemble de l’avant. Et c’est le but de cette réunion qui n’est pas une fin en soi, mais qui est, à mes yeux, plutôt un moment fondateur, un point de départ fondateur pour enclencher, je l’espère ensemble, dans le respect mutuel, dans un but mutuel, un plan d’action et de voir quelles sont les étapes que nous devons tenter de franchir ensemble.
Premier point: nous partageons des objectifs. Nous voulons de la stabilité, de la croissance, de la capacité d’enclencher plus de sécurité, plus de prospérité pour améliorer les conditions de vie. Nous partageons ce même objectif.
Deuxièmement, nous devons tenter de voir quels sont les moyens que nous pouvons ensemble mobiliser pour nous rapprocher de nos objectifs. Et on a l’occasion, lors de cette réunion qui touche au financement des économies africaines, de voir quel est le cadre sur lequel il faut travailler.
D’une part, les dettes. Beaucoup l’ont mentionné, je n’y reviens pas. Nous devons continuer à aller de l’avant: l’enceinte du G20, l’enceinte du G7… Et vous pouvez compter sur la mobilisation politique de l’Union européenne sur ce cas, parce que nous pensons qu’il faut travailler à la restructuration des dettes pour plus de moyens.
Deux, je ne serai pas très long par rapport à cela: les droits de tirage spéciaux. Le FMI est autour de la table, les actionnaires sont présents également. Le Président Macron a affirmé une ambition très forte: 100 milliards au moins, comme première étape, doivent être mobilisés. C’est le point que nous mettons à l’agenda. Nous espérons pouvoir progresser sur ce sujet. Ce n’est pas qu’une question de montant, c’est aussi une question de modalités. Le président Sall a très bien montré les obstacles auxquels nous sommes confrontés, et auxquels vous, plus particulièrement, êtes confrontés également en termes macroéconomiques.
Troisième élément: continuer à faire de l’aide au développement, c’est ce que l’Union Européenne fait, nous sommes le premier acteur de l’aide au développement, et nous allons lors du prochain cadre financier passer de 20 milliards à 29 milliards d’euros pour le prochain cycle. C’est une manière de soutenir aussi les ambitions, les projets, les choix stratégiques portés par les leaders africains.
Et enfin, le secteur privé. Nous mesurons bien que l’argent public ne suffira pas. Il faut mobiliser les investisseurs privés, aussi les petites et moyennes entreprises. Et la présence d’institutions financières européennes, et africaines, est un signal important parce que, que doit-on faire? On doit tenter d’améliorer l’effet de levier pour attirer davantage les capacités du secteur privé d’être mobilisé, notamment sur le terrain des infrastructures. Et on doit tenter, plusieurs l’ont mis en évidence, de mieux partager les risques pour plus d’attractivité. On doit faire cela dans le souci constant, que nous partageons, de faire en sorte que chaque moyen qui est mobilisé, public et privé, soit investi vite et bien. Investir beaucoup, vite et bien: cela doit être l’objectif.
Donc vous le voyez: je pense que le sujet d’aujourd’hui, c’est le changement de logiciel. Sommes-nous prêts, face à la situation que nous connaissons, à transformer le logiciel qui fonde l’alliance, le partenariat, le New Deal, Monsieur le Président Macron, entre l’Europe et l’Afrique, et plus largement avec l’ensemble des partenaires qui sont prêts à être engagés.
Un mot rapidement sur les vaccins. C’est effectivement fondamental que l’on puisse garantir les capacités que le monde entier soit vacciné, parce que l’on ne s’en sortira que si chacun est amené à pouvoir s’en sortir. Et c’est la raison pour laquelle nous soutenons, et nous sommes prêts comme Union Européenne à y être très engagés, cette idée qui est portée notamment dans le cadre de l’OMC, cette troisième voie pour faciliter, favoriser des accès aux propriétés intellectuelles et transferts de technologies en mobilisant les secteurs publics et les secteurs privés, en Europe et en Afrique. C’est vraiment un sujet sur lequel nous devons agir vite et bien. Nous sommes prêts aussi à aller dans cette direction-là.
Voilà les quelques éléments que je voulais indiquer dans cette introduction et en terminant par une idée, qui est une idée, en fait, africaine: le concept de l’Ubuntu. Cette idée que les destins sont liés les uns aux autres par un fil invisible qui amène à ce que nos actions individuelles ont un impact sur la société, ont un impact sur la collectivité. Et bien plus que jamais, je voudrais qu’à Paris, ce soit ce principe d’Ubuntu qui nous mobilise, qui nous guide… Et je forme le vœu que cette réunion de Paris ne soit pas un sommet comme les autres, mais qu’elle soit un point de départ, fondateur. Il y aura d’autres rendez-vous: le G7, le G20, la présidence française de l’Union européenne, le sommet entre l’Union Africaine, cher Felix Tshisekedi, et l’Union européenne, les engagements que nous allons prendre ensemble. C’est en tout cas le vœu que je formule, empreint de respect, d’écoute mutuelle et de confiance. Je suis convaincu qu’à partir de ce choc qui frappe le monde, il est possible de dessiner les contours d’un monde plus juste, d’un monde plus fort dans le cadre duquel l’Afrique à un rôle clé à jouer.