Intervention du Président Charles Michel lors de la séance de clôture du Sommet social de Porto
Monsieur le premier ministre, très cher António, Monsieur le président du Parlement européen, cher David, Madame la présidente de la Commission, très chère Ursula, Mesdames et messieurs les chefs d’État ou de gouvernement, chers amis, partenaires sociaux, représentants de la société civile.
J’ai une émotion particulière, António, parce que je me souviens, il y a plus d’un an, de notre première rencontre pour préparer la présidence portugaise. C’était avant le COVID-19. Nous avions pris la décision de mettre à l’agenda de la présidence portugaise, sous ton leadership, cet engagement social européen quatre ans après ce premier pas, cher Stefan Löfven qui avait eu lieu à Göteborg, et qui éclaira d’une lumière sociale le chemin de la construction européenne.
Et nous y voilà, après un travail de préparation minutieux, qui est intervenu tout au long des derniers mois. Ce moment-ci s’inscrit dans le cadre d’une intuition, d’un instinct que nous avions tous, toutes, collectivement, selon lequel les grandes transformations climatiques et digitales pour lesquelles l’Union européenne est engagée, pas seulement en Europe, mais aussi sur le plan international, devaient nous amener à consolider la capacité de fraternité européenne.
Cette capacité de faire en sorte que la fameuse promesse européenne que plusieurs ont mentionnée – Ursula, avec d’autres, l’a dit tout à l’heure – cette promesse sur les cendres de la Deuxième Guerre mondiale, que la prospérité et la paix sont les conditions pour la dignité de chaque être humain, pour la liberté personnelle, pour la possibilité de prendre son destin en main. La capacité de garantir une société partout en Europe où il y a l’égalité des chances, des opportunités et en même temps, une capacité d’innover, de se développer, de se projeter dans l’avenir avec ambition.
Bien sûr, l’Europe sociale aujourd’hui, c’est une mosaïque complexe. Parce qu’il y’a des situations différentes, parce qu’il y a des histoires différentes, parce qu’il y a parfois des systèmes qui ne sont pas exactement les mêmes.
Et pourtant, à ceux qui disent que cette Europe sociale serait invisible, je dis alors qu’elle est invisible comme l’air que l’on respire : même s’il est invisible, il est vital. Il est existentiel parce qu’il nous permet de nous déployer, de nous développer. Les valeurs européennes, plusieurs l’ont dit, sont ces valeurs qui nous rassemblent : l’État de droit, la liberté, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les discriminations, la protection des minorités…
L’ensemble de ces engagements qui nous mobilisent est au cœur de ce projet de fraternité. Cette ambition de marcher sur les deux pieds. On a besoin de développement économique, on a besoin d’innovation, on a besoin de prospérité. Et on a besoin de cohésion sociale. On a besoin de protéger celles et ceux qui, à un moment donné, sont confrontés à la fragilité, à la nécessité que des mains leur soient tendues.
Mes chers amis, il y a un point que je voudrais souligner, qui a été évoqué par plusieurs d’entre vous et qui me réjouit. Nous avons depuis des décennies bâti notre vision du développement et du progrès principalement sur un indicateur: le produit intérieur brut. Cet indicateur est important parce qu’il montre la capacité de progresser sur le plan économique.
Mais comme plusieurs l’ont indiqué, cet indicateur ne suffit pas pour rendre compte du niveau de développement d’une société, et des pays qui constituent cette Union européenne. C’est en cela que j’accueille avec beaucoup de plaisir cette mobilisation des partenaires sociaux qui ont fait la démonstration, au-delà des différences, au-delà des angles de vue qui ne sont pas spontanément les mêmes, que pour progresser ensemble, pour être rassemblés, on doit regarder année après année si les décisions que nous prenons collectivement ont un impact. Pas seulement pour le produit intérieur brut. Mais également sur d’autres critères : l’accès à l’éducation, la qualité de l’environnement, le recul des discriminations, la capacité d’innovation, de développement et de prospérité pour l’avenir.
Nous le comprenons bien, dans le cadre de ce sommet social quatre ans après Göteborg : c’est une boussole que l’on veut fixer pour ce projet européen. Une boussole pour le bien-être dans le cadre de vie européen. Pour cela, on doit se demander comment agir concrètement au départ des propositions précises et structurantes qui sont mises sur la table par la Commission européenne. Et au départ de cet engagement d’aujourd’hui issu de l’implication des partenaires sociaux.
Il y a deux points qui me semblent importants, que je voudrais mettre en évidence. D’abord il faut des moyens financiers. Ce sont ceux des décisions fondamentales qui ont été prises il y a un an avec le budget européen et le fonds de relance Next Generation EU. Avec une équation modifiée par des ressources propres, qui vont animer le débat démocratique, et le débat politique au Parlement européen, avec les Etats membres, avec les partenaires sociaux, avec les sociétés civiles. On va investir ensemble, on va réformer ensemble en affirmant nos ambitions digitales et nos ambitions climatiques.
Mais les moyens financiers ne suffisent pas. Ce dont on a besoin, c’est de l’intelligence collective. De beaucoup d’intelligence collective. C’est la magie de la concertation sociale : rassembler celles et ceux qui, spontanément, ne pensent peut être pas de la même manière, pour voir comment dans le respect, en s’écoutant les uns les autres, on peut s’accorder sur l’essentiel. S’accorder sur la direction que l’on veut donner au projet européen. Et en cela, je me réjouis de cette mobilisation très forte qui s’est exprimée encore il y a quelques instants au travers des messages portés ici avec sincérité et volonté par les partenaires sociaux.
Voilà les quelques points que je voulais partager avec vous. Je me permets de conclure ces quelques mots, cher António, en mentionnant le chanteur, un poète, José Alfonso, qui dans la chanson “La ville de Grândola” avait cette jolie phrase, il disait : “A chaque coin il y a un ami, sur chaque face il y a de l’égalité.” C’est le vœu que je forme pour le projet européen. Je vous remercie.