Déclaration presse par Michel Barnier suite à l’adoption d’une recommandation visant à entamer les discussions relatives à la phase suivante du retrait ordonné du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver pour ce bref point de presse à l’issue de ma participation à la réunion du collège des commissaires où nous avons présenté le projet de directives de négociation que la Commission va transmettre au Conseil sur un des points de cette négociation complexe et extraordinaire qui est la période de transition.
Je vous avais dit, après notre premier accord vendredi dernier, que le travail continuait.
Et donc nous avons présenté ce matin à la Commission, qui l’a adoptée, cette recommandation au Conseil pour les directives de négociations concernant la transition.
Je voudrais faire trois points à ce sujet.
I – D’abord, rappeler que le progrès suffisant que nous avons constaté avec le Président Juncker, est une étape importante – très importante – et nécessaire sur la route d’un accord et d’un retrait ordonné du Royaume-Uni, plutôt que vers un retrait désordonné.
De ce point de vue-là, je salue le travail qui a été fait, je l’ai dit publiquement devant le Parlement européen, à l’égard de Theresa May, et je veux dire aussi mes remerciements à l’équipe de négociation britannique.
Cette étape importante et nécessaire est franchie mais nous ne sommes pas au bout de la route pour établir les conditions de ce retrait ordonné qui exige du temps.
Dans ce temps il y a, de mon point de vue, ce qui avait été d’ailleurs prévu par le Conseil européen dès le mois d’avril, cette période de transition qui a été officiellement demandée par Theresa May dans son discours de Florence pour la première fois.
Cette période de transition est utile, elle permettra évidemment à l’administration britannique de se préparer, notamment pour éviter le désordre aux frontières britanniques qui sont aussi les nôtres et puis de se préparer à d’autres enjeux – je pense à l’enjeu d’Euratom dont le Royaume-Uni va sortir.
Cette période permettra aussi de donner le temps nécessaire pour les entreprises, des deux côtés, qui doivent se préparer à la nouvelle relation.
Voilà pourquoi cette période de transition, demandée par le Royaume-Uni est effectivement utile et fait partie de ce retrait ordonné.
II – Quels sont les principes qui vont encadrer la négociation sur cette période de transition ?
Ces principes ne sont pas nouveaux, ils sont également contenus dans les orientations du Conseil européen et dans les résolutions du Parlement européen. Je voudrais en citer cinq, que toute période de transition devra respecter :
- L’intégrité du marché intérieur : toute transition comprendra l’ensemble des secteurs économiques couverts par le marché unique, et évidemment les quatre libertés qui restent indivisibles et qui sont la fondation du marché unique.
- L’intégrité de l’Union douanière. Le tarif douanier commun, qui est un élément clef de l’Union douanière, continuera de s’appliquer pendant la transition, de même que les contrôles aux frontières pour les produits venant de pays tiers.
- Toutes les nouvelles règles de l’Union européenne qui seront adoptées pendant la transition s’appliqueront au Royaume-Uni, sous le contrôle des agences européennes, de la Commission et de la Cour de justice de l’Union européenne.
- Il n’y aura pas de transition “à la carte” : en plus du cadre réglementaire de l’Union européenne, toutes les politiques de l’Union européenne continueront à s’appliquer – je dis bien toutes les politiques.
- Le respect de l’autonomie de décision de l’Union européenne, ce qui fait que, évidemment, le Royaume-Uni, comme il l’a voulu, deviendra un pays tiers le 30 mars 2019 au matin et ne participera plus aux institutions de l’Union européenne.
Ceci veut donc dire que le Royaume-Uni gardera pendant cette période de transition tous les avantages, tous les bénéfices mais aussi toutes les obligations du marché unique, de l’Union douanière et des politiques communes.
Je pense à nouveau que cette transition permettra de répondre aux préoccupations de beaucoup d’entreprises, que nous recevons, que nous écoutons et que nous continuerons d’écouter et qui nous disent :
- qu’elles ont besoin de stabilité pendant cette période de transition, c’est-à-dire d’une continuité du cadre réglementaire existant ;
- qu’au-delà de cette continuité, de cette visibilité, elles ne veulent pas être obligées de s’adapter deux fois.
Maintenir l’ensemble du cadre réglementaire, en particulier pour les entreprises, conduit à s’adapter une seule fois, à la fin de la période de transition, même s’il faut, je le répète, se préparer dès maintenant à ce changement-là.
Autre point important, qui est aussi inscrit dans les décisions du Conseil européen, la durée. Cette période de transition doit être courte et limitée dans le temps. Theresa May évoquait dans son discours de Florence une période maximale de deux années. De notre point de vue, le terme logique de cette période devrait être le 31 décembre 2020, qui est le terme du cadre financier pluriannuel.
III – Quand cette période de transition sera-t-elle agréée ?
Sur la durée, sur les modalités de cette transition, nous savons que beaucoup de citoyens, d’entreprises, d’universités, d’administrations publiques veulent cette clarté le plus vite possible.
Mais je rappelle que la seule base juridique pour établir cette transition, c’est l’article 50. S’il n’y a pas de retrait ordonné et de traité sur l’article 50, il n’y a pas de transition. Et donc ces deux éléments vont ensemble : toutes les conditions et les éléments de la séparation ordonnée, en particulier sur la base du joint report agréé il y a 8 jours et qui sera pour l’essentiel le main stream de l’accord de retrait et la transition, qui seront décidés sous la même base juridique.
La transition fait partie de l’accord de retrait. Le contenu doit donc être finalisé pour octobre 2018, dans ce nouveau traité article 50.
Il faut aussi, à partir d’octobre 2018, laisser le temps, plusieurs mois, octobre à février, au Parlement européen, au Conseil, aux autorités britanniques, au Parlement britannique, de se prononcer sur cet accord.
Et je rappelle que la transition et la finalisation du retrait ordonné vont ensemble et s’agissant de ce retrait ordonné, évidemment nous allons nous appuyer sur les dispositions, les 96 paragraphes du joint report, puisqu’il n’est pas question de revenir en arrière, sur aucun des points de cet accord de progrès suffisant.
Je voudrais conclure en disant quelques mots de notre futur partenariat, de l’avenir de notre relation avec le Royaume-Uni.
Nous allons travailler dès le mois de mars, après le Conseil européen qui va décider de nouvelles guidelines, sur un document extrêmement important qui doit être terminé lui aussi en octobre 2018, à côté du traité article 50 : une déclaration politique qui accompagnera l’accord de retrait et qui devra définir clairement, sans ambiguïté, les contours de notre future relation.
J’ai compris, en étant au Parlement européen et aussi en participant, à l’invitation de Donald Tusk, vendredi au Conseil européen, qu’il y a une volonté générale du côté des 27, des institutions, des chefs d’Etat et de gouvernement, de savoir en octobre où on va et quel sera le cadre, quelles seront les conditions de notre future relation avec le Royaume-Uni.
Il ne s’agira pas d’avoir un traité, nous aurons besoin de plus de temps, en revanche nous pouvons et nous devrons dans cette déclaration politique définir le cadre de la future relation et cette déclaration politique accompagnera le traité article 50 sur le retrait ordonné et la transition.
Ainsi, le jour où la transition démarrera, nous saurons où nous allons et à quoi nous voulons aboutir, à quel type de relation, et je vais être un peu plus spécifique et dire calmement les choses : pour établir le cadre de cette future relation, naturellement je respecterai scrupuleusement les guidelines du Conseil européen, je resterai fidèle aux résolutions du Parlement européen mais nous savons déjà où nous allons puisque nous connaissons les différents modèles de coopération avec les pays tiers.
En utilisant ces différents modèles de coopération, qui sont tous disponibles, nous appliquons les lignes rouges décidées par le Royaume-Uni lui-même.
C’est le Royaume-Uni lui-même, par la voix de son gouvernement, qui nous dit qu’il ne veut plus faire partie du marché unique puisqu’il ne veut pas respecter les quatre libertés. C’est le Royaume-Uni lui-même qui, par la voix de son gouvernement, nous dit qu’il ne veut plus faire partie de l’Union douanière puisqu’il veut retrouver sa souveraineté commerciale. C’est le Royaume-Uni lui-même qui nous dit qu’il ne reconnaitra plus l’autorité de la Cour de justice européenne. Et nous tenons compte de que nous dit le Royaume-Uni, et de toutes les conséquences que ce qu’il nous dit impose pour lui-même et pour nous même.
Et donc en croisant nos différents modèles de coopération qui sont tous disponibles avec les lignes rouges demandées par le Royaume-Uni lui-même, on aboutit logiquement à travailler, à partir du mois de mars, pour la partie économique de notre futur partenariat, à un accord de libre-échange, sur le modèle de ce que nous avons négocié ou signé avec le Canada, la Corée du Sud et plus récemment le Japon.
Et là aussi je veux être extrêmement clair : il n’y a pas d’ambiguïté, il y a des différences avec des modèles, puisque chacun de ces modèles de coopération et de commerce est naturellement adapté au pays avec lequel nous le signons. Il y a des différences mais la logique reste la même. Ce sera la même logique pour la négociation que nous aurons avec le Royaume-Uni.
Je redis aussi enfin que nous n’avons pas seulement du commerce à faire avec le Royaume-Uni : il y a d’autres dimensions dans ce futur partenariat auxquelles nous travaillerons dès le mois de mars : je pense à la coopération judiciaire, je pense à un accord spécifique en matière d’aviation, je parle évidemment de la coopération bilatérale que nous devrons construire dans un domaine extrêmement sensible et important pour les citoyens qui est celui de la sécurité, de la défense, de la politique étrangère. Cela ne se fera plus, comme je l’ai dit à Berlin, dans le cadre du traité de l’Union européenne que les Britanniques quittent mais cela se fera sous une autre forme. Nous devons y travailler.
Voilà les différentes dimensions du futur partenariat avec comme pilier économique un accord de libre-échange.
Mesdames et Messieurs,
Cinq jours après la reconnaissance des “progrès suffisants” par le Conseil européen et par le Parlement européen, cette recommandation de directives de négociation sur la transition va être adressée au Conseil. Je la présenterai moi-même cet après-midi au Coreper et le Conseil affaires générales devrait en discuter le 29 janvier et immédiatement après nous commencerons la négociation sur cette future période de transition.
Pour terminer, juste quelques mots en anglais : Merry Christmas and a Happy New Year to all of you.